2 ans auparavant, Daeffers & Shrieffer

Daeffers tira sur son cigare en refermant le projecteur qui venait de jouer le reportage sur Morgan Kerr et le vol 345.

— Ils ont tort, dit-il en affichant un sourire pensif.

— Vous voulez dire que le pilotage a été excellent ? répondit Shrieffer, je suis d'accord, chef ! C'était un putain d'exploit. Vous l'avez vu s'agiter dans ce cockpit ? Schwartz, ça s'appelle avoir des megas couilles !

— Non, fit pensivement Daeffers, ça aussi... Mais, ce n'est pas ce à quoi je pensais : ils ont tort de minimiser le fait qu'un humain a piloté un avion orbital sans l'assistance de l'IA. En fait, c'est la seule et unique fois que quelqu'un l'a fait et est revenu pour raconter son histoire.

— Ils n'avaient pas vraiment le choix.

— Ouais ... ça, c'est ce que la commission d'enquête a conclu parce que ça c'est bien terminé.

— Vous voulez dire que si la navette s'était plantée, la commission aurait dit le contraire ?

— Il est clair que c'est difficile à avaler pour eux.

— Mais je ne vois toujours pas pourquoi cette histoire d'IA déconnectée vous fascine autant.

— Shrieffer, vous me décevez. Réfléchissez ! C'est l'IA qui est responsable des consignes de sécurité, de A à Z. En particulier, à cause des directives antiterroristes, ils font plus confiance aux IA qu'aux pilotes.

— Ah ah ! Je crois que je vois.

— Oui, mais, en théorie, sans IA impossible de piloter le StarWanderer...

— À moins que Morgan Kerr...

— Peut-être, fit Daeffers. Il jeta vers Shrieffer le bloc-mémoire contenant le document. Ça a été fait, ça peut se refaire.

— On se met dessus alors ? Où est la limite ?

— Pas de limite. J'ai un budget approuvé par toute la hiérarchie. Mais pas de contact physique sans mon ordre. En particulier si vous pouviez faire gaffe à votre contact à Almogar. J'aime pas ce type. Et surtout, discrétion absolue, intraçabilité avant tout.

— C'est comme si c'était fait, Monsieur, acquiesça Shrieffer.

Il se leva pour quitter la salle. Il savait déjà par où il allait commencer : filatures, écoutes. En général, en deux semaines on finissait par savoir à peu près tout sur quelqu'un. Prendre le contrôle était plus délicat, mais chaque personne avait son point faible, son angle d'attaque.